Si la France compte 270 entreprises dans le secteur de l’économie collaborative et plusieurs milliers d’emplois, n’oublions pas que certaines sociétés ne sont là que pour réaliser du chiffre d’affaire et rentabilisé à tout prix et sans mesure les levées de fonds dont elles ont souvent fait l’objet. Selon une étude de l’ESS (labo de l’économie sociale et solidaire), l’économie collaborative sous certaines forme contribuerait à l’accroissement des inégalités patrimoniales.
Relayé par Rue89, Hugues Sibille, le président du Labo ESS a dévoilé ses inquiétudes qu’il avait à l’égard des très grosses machines de l’économie collaborative qui ne sont, pour lui, là que pour faire un maximum d’argent en un minimum de temps. À l’image de Blablacar en France (cf. Blablacar et l’appât du gain, publié sur Médiapart), de nombreuses entreprises dites collaboratives cache des ambitions capitalistiques souvent encore plus agressives que les entreprises traditionnelles. Pour Mr Sibille, derrière le partage de la propriété de certains se cache un fossé qui se creuse encore plus fort entre propriétaire et locataire d’un jour…
Hugues Sibille, président du labo ESS | Photo : Robin Prudent/Rue89
« Rendre le pouvoir à la communauté et pas aux investisseurs financiers »
Hugues Sibille a raison, l’économie collaborative est un terme à la mode qui tantôt dénote d’une véritable intention de repenser l’économie autrement, notamment par l’intermédiaire de l’économie du partage et solidaire, mais souvent, elle est aux mains de sociétés ultracapitalistes comme Uber ou Airbnb qui ne répondent ici qu’à des objectifs financiers.
Depuis la création de son Think Tank en 2010, Mr Sibille et l’ESS combattent ce penchant travesti de l’économie collaborative et alertent les utilisateurs comme nous le faisons ici, non sans une certaine orientation. Pour lui, le pouvoir doit aller à la communauté, et pas pour les investisseurs qui ont mis des millions d’euros…
« L’utilisateur d’une plateforme d’économie collaborative n’est rien de plus qu’un client avec une carte de fidélité »
C’est en toute franchise et au risque de heurter la sensibilité de certains que se lance l’entretien de Mr Sibille chez nos confrères de Rue89. Aujourd’hui, « un hôte de Airbnb n’a pas plus de pouvoir qu’un client de Leroy Merlin, mais avec la carte de fidélité en plus ».
Le ton est donné, tranchant, sans concession, mais les arguments sont là et ils sont implacables. En 2016, si la France et les USA se partagent la plus large partie du marché de l’économie collaborative, celle-ci n’est en réalité entre les mains que de quelques grosses sociétés qui n’attendent qu’une chose, faire du profit, souvent, trop souvent, contre l’inspiration même de l’économie collaborative.
Pour Hugues Sibille, il faut savoir prendre la mesure des termes et celui d’économie collaborative le laisse pantois là où il préfère parler d’économie sociale et solidaire lorsque la communauté d’utilisateurs est pleinement actrice de son service (ex.: par la prise de parts sociales).
L’économie collaborative redistribue les cartes de l’entreprise
Si Hugue Sibille est d’accord avec une chose de l’économie collaborative, c’est qu’elle sort complètement des sentiers battus que l’on connaissait jusqu’à aujourd’hui dans le monde d’entrepreneuriat. L’outil informatique a été l’unique vecteur de la création de ces plateformes de mises en relation, permettant, à moins frais, de créer des produits et de les mettre à la disposition de millions de personnes en l’espace de quelques mois, sans avoir investi ni dans du matériel (à l’image d’Uber qui n’a pas la moindre voiture), ni dans des locaux (le modèle de la Startup depuis son garage, connecté à Internet, évidemment).
Si cette réalité est indéniable, elle doit se faire avec la notion de l’économie sociale et solidaire pour que la réelle révolution dans le monde du travail et dans le mode de consommation de notre société soit véritablement changée profondément et puisse constituer à l’avenir un nouveau socle vertueux.
Hugues Sibille voit donc deux écoles dans l’économie collaborative, celle dite « capitaliste », la plus souvent mise sur le devant de la scène et celle dite « coopérative » qui se retrouve en dehors du web, mais dont l’enjeu sera bien de s’approprier la sphère web.
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